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Politique de développement et croissance démographique rapide en Afrique.

«Développement et croissance rapide : regards sur l’avenir de l’Afrique». Parius, 2-6/09/91., 1993

INED
314 p. 180 FF.

En 1988, l’INED avait organisé à New-York, avec la Division de la Population des Nations-Unies, une conférence sur «La croissance démographique rapide dans les pays en voie de développement». Cette conférence avait donné lieu à la publication d’actes que nous avions mentionnés dans l’édition n° 18 de TransVIE-mag (édition du 09/04/92). Trois ans plus tard, l’INED a renouvelé l’opération, mais en circonscrivant cette fois le sujet d’étude à la seule Afrique (le premier chapitre de ce second ouvrage est d’ailleurs un résumé de la conférence précédente).
Mais la différence essentielle n’est pas là. Cette fois, le loup est entré dans la bergerie : le Fond des Nations-Unies pour la Population (FNUAP) a fait son entrée sur la scène, transformant un forum scientifique en plate-forme de propagande malthusienne.
Encore une fois, la bonne vieille ficelle fait recette : le corps de l’ouvrage, la partie scientifique, n’est pas particulièrement favorable aux thèses malthusiennes, mais les interventions de personnalités de la Banque Mondiale et du FNUAP (notament Nafis Sadik) suffisent à colorer l’ensemble de l’ouvrage d’un accent malthusien appelant au contrôle des naissances.
Certains intervenants scientifiques (naïfs ou consentents ?) se sont trouvés manipulés et trahis dans leurs pensées par une poignée d’idéologues les emmenant de gré ou de force sur le terrain miné de la politique. A l’ouverture de la conférence, on prend soin de manifester une volonté de ne pas généraliser et de s’intéresser à une situation spécifique, celle de l’Afrique. Mais à la fin, on généralise à tout va : «Si rien n’est fait [pour limiter les naissances], les conséquences se feront sentir pour l’ensemble de la population du globe».
Mais, chose plus grave, d’autres chercheurs eux-mêmes se laissent aller à des considérations idéologiques dépassant leur champ de compétence (on croit parfois relire Monod tirant des conclusions théologiques de ses observations génétiques).
Nous n’allons pas souligner tous les biais malthusiens relevés dans l’ouvrage, mais l’illustrer en prenant l’exemple du chapitre trois.
En début d’ouvrage, ce chapitre est sensé présenter «les tendances démographiques de l’Afrique et leurs causes». Or, à de multiples reprises, l’auteur introduit dans son texte des remarques étrangères à son sujet puisqu’elles sont relatives aux conséquences, et non plus à l’état de la croissance démographique.
Ainsi, page 22 : «Si l’on part du principe qu’une croissance démographique élevée constitue une entrave au développement, la situation de l’Afrique paraît véritablement tragique». Ou encore p. 25 : «C’est au reste de l’Afrique, notamment à l’Afrique tropicale, que l’aspect démographique du développement pose le plus de problèmes» (souligné par nous).
Remarques assassines qui, n’étant suivies d’aucune explication, laissent croire que le lien entre croissance démographique et pauvreté est déjà prouvé, alors que l’objet du colloque est précisément d’avluer si ce lien existe.
De telles déclarations, non-étayées, émaillent ainsi régulièrement le discours de plusieurs intervenants.
Trois chapitres méritent une attention toute particulière.
- Celui de Kevin CLEAVER, de la Banque Mondiale (chapitre 6).
Ici, le totalitarisme du contrôle des naissances parle à visage découvert. Alors que plusieurs auteurs scientifiques soulignent l’importance du respect des choix individuels en matière de fécondité, Kevin Cleaver ne s’embarrasse pas de gants : «Un programme d’action doit commencer par s’attaquer au taux de croissance démographique, qui doit tomber à environ 2 % dans les 30 ans à venir. (...) On peut y parvenir en prenant des mesures plus énergiques pour amener chaque Africain à vouloir moins d’enfants.» La remarque est d’ailleurs reprise à la page 164, où l’on voit que la frange malthusienne des participants à la conférence a «souligné les limites d’une politique démographique de l’offre et la nécessité d’induire un changement dans les comportements». Suivent d’autres perles dévoilant le goût de la Banque Mondiale pour l’interventionnisme, la planification, l’étatisme, et le fiscalisme (p. 92, 93). Une vision à cent lieux d’autres orateurs tels que le Dr. SAWADOGO (côte d’Ivoire) qui réclame une décentralisation et un désengagement de l’Etat-providence (p. 101), plaie des Etats africains - et probablement cause principale de leurs difficultés, plutôt que la croissance démographique.
- Celui d’Allan G. HILL, intitulé «La santé pour tous en Afrique ?», illustrant à merveille l’intrusion voulue et appliquée des programmes de contrôle des naissances dans les services de santé (et au passage de l’aide directe de l’UNICEF aux programmes de contrôle des naissances, par sa participation au programme international «GOBI-FF» (p. 194)).
- la courageuse intervention de Göran OHLIN, sous-secrétaire général au Département des Affaires Economiques et Sociales Internationales, totalement opposé au mythe malthusien :
«L’augmentation de la population n’est pas à l’origine de ces problèmes [chute des cours des matières premières, sécheresses, guerres civiles et internationales] et il est simpliste d’affirmer que la situation aurait été moins catastrophique si la croissance démographique avait été plus modérée. (...) Il est essentiel de ne pas attribuer les difficultés auxquelles l’Afrique a été confrontée lors des années 1980 à la croissance démographique. (...) Le problème essentiel pour l’Afrique est de trouver une solution pour s’adapter à une croissance démographique qui sera impressionnante à moyen terme quels que soient les efforts déployés en matière de planification familiale. La politique démographique doit se consacrer davantage aux moyens de satisfaire les besoins d’une population en augmentation rapide. (...) Je m’inquiète de voir certains considérer que les individus sont l’ennemi du développement et dire que moins nombreuse est la population, mieux cela est.(...) Les jeunes en particulier sont l’espoir d’un développement et d’un avenir meilleur, et au lieu de se lamenter sur leur nombre et de se convaincre qu’ils resteront sans instruction, sans travail et sans but, il vaut mieux se dire qu’il est indispensable de mettre toutes les chances de leur côté et de tirer le meilleur parti de cette énergie illimitée et encore inexploitée. Il est grand temps que les pays africains commencent à considérer leur population non-pas comme un fardeau mais comme une ressource».
A part ceux-ci, plusieurs chapitres renferment quelques affirmations intéressantes mais éparpillées : les chapitres 8 et 9 sur l’urbanisation tord le cou à plusieurs mythes (urbanisation comme mal intrinsèque, Afrique manquant de terres cultivables - on apprend qu’elles y sont abondantes, l’information revient même dans la bouche de plusieurs orateurs).
L’avant dernier chapitre, avec Nafis Sadik, sort complètement du sujet puisqu’il n’y est plus question d’interrogations scientifiques sur d’éventuelles relations entre économie et croissance démographique, mais tout simplement de considérations sur la manière idéale de financer et assurer la réussite des programmes de contrôle des naissances. On apprend à la page 257 que le contrôle des naissances libèrera l’Afrique «du fléau de la faim, de la malnutrition et de la mortalité maternelle et infantile, et lui donnera une vie décente». Rien que ça !
A la page 211, on apprend que 150 000 femmes, ni plus ni moins, meurent d’avortements clandestins (appel déguisé à le légaliser partout) - statistique impossible à prouver, et pour cause : à la page 254, ce n’est plus 150 000, mais «une proportion importante des 150 000 décès annuels liés à la maternité» qui sont dûs en fait à un avortement provoqué. Qui faut-il croire ?
Quant à ceux qui nient que l’eugénisme soit sous-jacent au contrôle des naissances, ils seront surpris de lire p.255 que «des familles moins nombreuses fournissent des ressources humaines de valeur». Le fantôme de Margaret Sanger n’est pas si loin...
Dommage que l’INED se soit laissé fourvoyer dans de tels débats. Son image n’en sort pas grandie.
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