ACTUALITÉS
#24 2001.03.29
Avortement
France : le Sénat corrige une partie du projet Aubry, mais abandonne les mineures, favorise les avortements tardifs et accroît la propagande contraceptive
Le 28/03/2001, le Sénat a examiné en première et unique lecture le projet de loi Aubry de dérégulation de l’avortement, de la stérilisation et de la contraception.
Les sénateurs ont entériné la possibilité pour les mineures d’avorter sans le consentement ni l’information de leurs parents et adoptés pour le reste les amendements suivants, corrigeant assez sensiblement le projet de loi adopté par l’Assemblée Nationale :
- retour au délai de 10 semaines de grossesse (et non plus 12)
- ajout d’une disposition prévoyant que « dans chaque département, il est créé à l'initiative du service d'aide sociale à l'enfance du conseil général, un répertoire départemental des aides économiques , des lieux d'accueil et d'hébergement, des associations et organismes susceptibles d'apporter une aide morale ou matérielle aux femmes enceintes en difficulté. Il doit être disponible dans tous les établissements dans lesquels sont pratiquées les interruptions volontaires de grossesse, dans les centres de consultation ou de conseil familial et dans les centres de planification ou d'éducation familiale et dans les mairies »
- retour aux disposition de la loi Veil en matière d’information délivrées aux femmes (ré-introduction du contenu défini par la loi Veil dans le dossier-guide remis aux femmes).
- rétablissement de l’entretien social pré-avortement et instauration d’un deuxième entretien, post-avortement, facultatif mais systématiquement proposé, à but notamment de propagande contraceptive.
- léger toilettage des dispositions concernant les mineures, qui ne devront plus seulement être « accompagnées » mais « assistées », et non plus par n’importe qui mais par « par un membre majeur de sa famille, ou une personne qualifiée qu'elle choisit dans des conditions fixées par décret » (amendement Cherioux).
- supprimer le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L 2212-7 du code de la santé publique.
- introduction d’une « personne qualifiée n’appartenant pas au corps médical » dans la commission chargée de statuer sur les avortements au-delà de la 10e semaine.
- retour de l’avortement dans le Code pénal
- retour dans le code pénal des dispositions concernant le délit d’aide à l’avortement par la fourniture à la femme des moyens nécessaires à un avortement réalisé par elle-même.
- ré-introduction du délit de contrainte à l’avortement (« Est puni de deux ans d'emprisonnement et de 200.000 F d'amende le fait de contraindre ou de tenter de contraindre une femme à une interruption de grossesse en exerçant sur elle des pressions morales et psychologiques, des menaces ou tout acte d'intimidation. » et réintroduction de l’interdiction de propagande et publicité en faveur de l’avortement
- suppression de l’extension de la loi aux territoires d’Outre-Mer
- rétablissement de l’obligation de prescription médicale des contraceptifs.
Bernés par l’affirmation selon laquelle la contraception serait le meilleur rempart contre l’avortement, les sénateurs ont encore renforcé la pression contraceptive :
- en portant à 5 (au lieu de 3) le nombre minimum de séances annuelles de propagande sexuelle et contraceptive, et (Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L. 312-16 du code de l'éducation : " Art. L. 312-16.- Une éducation à la sexualité et une information sur la contraception sont dispensées dans les écoles, collèges et lycées à raison d'au moins cinq séances annuelles. Ces séances associent les personnels contribuant à la mission de santé scolaire et des personnels des établissements mentionnés au premier alinéa de l'article L. 2212-4 du code de la santé publique ainsi que d'autres intervenants extérieurs, notamment des médecins exerçant à titre libéral, conformément à l'article 9 du décret n°85-924 du 30 août 1985 relatif aux établissements publics locaux d'enseignement. Des réunions associant nécessairement les parents d'élèves seront organisées dans ces établissements pour définir une action menée conjointement sur l'information concernant la sexualité et la fécondité".) On notera que les droits des parents ont été partiellement rétablis, mais de justesse, par un sous-amendement qui reste ambigu, mais toutefois meilleur que la proposition initiale qui prévoyait non pas d'associer les parents à la définition des séances, maisde simplement les tenir informés (le texte initial prévoyait qu'"Une réunion annuelle est organisée à l'intention des parents d'élèves au cours de laquelle ces derniers sont informés du cadre, du contenu et des modalités de ces séances."). En revanche, la portée d'un amendement proposée par M. Sellier, et adopté par le Sénat, laisse dubitative : " Il est créé un Conseil Supérieur de l'Education Sexuelle. Il doit définir le contenu et les modalités de l'éducation sexuelle, dans son environnement affectif, et de l'information contraceptive données dans les écoles, les collèges et les lycées. Sa composition et son fonctionnement sont définis par décret en Conseil d'Etat ".
- en introduisant en préambule de la loi un article affirmant que : « La réduction du nombre des interruptions volontaires de grossesse est une priorité de santé publique. A cette fin, le Gouvernement mettra en oeuvre les moyens nécessaires à la conduite d'une véritable politique d'éducation à la sexualité et d'information sur la contraception ».
- en adoptant un amendement du Groupe Communiste prévoyant qu'" une information et une éducation à la sexualité et à la contraception sont notamment dispensées dans toutes les structures accueillant des personnes handicapées ".
Sur le plan de la stérilisation les sénateurs, tout en en adoptant le principe proposé par l’Assemblé nationale, ont renforcés les protections de personnes, en portant de deux à quatre mois le délai de réflexion minimum des couples envisageant la stérilisation et à 35 ans l’âge minimum requis.
Enfin, les sénateurs ont :
- prévus que le gouvernement présentera tous les trois ans au parlement, un rapport sur le bilan des actions d'information concernant la contraception et sur l'évolution des structures nécessaires à l'accueil des femmes demandant une interruption volontaire de grossesse.
- accrus les possibilités d’avortements au-delà des 10 premières semaines en introduisant la notion de « risque pour la santé psychique de la mère », connue pour avoir été utilisées dans les pays anglo-saxons de préférence à la notion latine de « situation de détresse », avec pour effet une légalisation quasi-totale de l’avortement, en raison de l’élasticité de la notion de « santé psychique ». Le sénateurs ont même tenu à préciser, dans l’exposé des motifs, que la notion de santé psychique devait être interprétée dans un sens non-restrictif.
- adopté, en feignant de la mieux encadrer, la stérilisation des handicapés mentaux, alors même que le groupe socialiste du Sénat demandait la suppression de cet disposition introduite par le groupe socialiste de l’Assemblée nationale
Les mouvements pro-vie ne manqueront pas d’applaudir les trois amendements totalement pro-vie visant à interdire le renouvellement de décisions judiciaires du type « arrêt Perruche » . Les sénateurs ont en effet introduit et adopté un article nouveau spécifiant que « L'article 16 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé : " Nul n'est recevable à demander une indemnisation du seul fait de sa naissance. " »
Outre le vote d’ensemble du projet de loi ainsi amendé, adopté à 00h45 le 29/03/2001 par 215 voix contre 102, il y a eu scrutin public sur l’article 6 amendé, modifié les dispositions concernant les mineures, adopté par 211 voix contre 103. Ce scrutin d’étape n’est toutefois pas significatif d’un point de vue pro-vie, ni la proposition de l’Assemblée nationale, ni la proposition amendée par le Sénat n’étant acceptable.
A l’occasion des débats, le Ministre délégué à la santé a informé les sénateurs de l’existence d’un crédit de 12 millions de francs en 1999, porté à 15 millions en 2001, pour l’organisation des unités d’avortement et de planning familial dans les hôpitaux publics.
On notera enfin une intervention résolument pro-vie et de grande qualité du sénateurs Selliers.
En raison de la procédure d’urgence imposée par le Gouvernement pour l’examen du projet de loi Aubry, le texte ne sera pas soumis à une seconde lecture dans les assemblées parlementaires, mais soumis à une commission mixte paritaire (commission composée de sénateurs et de députés). Les membres désignés par le Sénat à cet effet sont : MM. Delaneau, Francis Giraud, Descours, Huriet, Jean-Louis Lorrain, Mme Campion, M. Fischer (suppléants : MM. Bimbenet, Blanc, Mme Dieulangard, MM. Muzeau, Nogrix, Mmes Olin, Terrade).
Haut de page