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#11 2000.01.03

 

Questions au Gouvernement

France : questions diverses

Le Gouvernement s'est prêté en novembre et décembre à plusieurs questions de sénateurs et députés sur des sujets porches du respect de la vie.
On notera notamment :
- au Sénat, deux questions sur la distribution de la pilule "du lendemain" dans les lycées et collèges, par les sénateurs Bernard Joly et Charles Descours ;
- à l'assemblée nationale, une question de Jean-François Mattéï sur la bioéthique, et deux questions, de Conchita Lacuey et Muguette Jacquaint sur la "pilule du lendemain" et la campagne de propagande contraceptive prévue en janvier 2000.
Aucun des élus n'intervenant n'a fait preuve d'une intelligence politique remarquable, en particulier M. Descours. D'autre part, l'intervention du Pr. Mattéï et les applaudissement dont elle a été l'objet de la part des partis de droite confirme le risque que ces partis ne s'en remette à la "sagesse" du député qui, déjà en 1994, mena les débats (en profit de la majorité, à l'époque). Cette perspective n'est pas de bonne augure pour le mouvement pro-vie.

 

A/ Question de M. Bernard Joly, Sénat, 1999.12.16

M. Bernard Joly :

Ma question, qui s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité, concerne l'autorisation de prescription par les infirmières scolaires de la pilule dite du lendemain aux élèves des collèges et des lycées.

Un sénateur socialiste :

C'est une bonne chose !

M. Bernard Joly. Selon la loi de 1967 sur la contraception, les contraceptifs hormonaux ne peuvent être délivrés que sur prescription médicale. Or, depuis le mois de juin 1999, le « NorLevo » est en vente libre.
Si l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé a été saisie du dossier au printemps dernier, elle n'avait été chargée que d'une mission d'évaluation.
Première question : cette pratique n'est-elle pas illégale ?
Si une concertation avec les associations de parents d'élèves, les acteurs concernés du milieu scolaire et des juristes avait été menée, le problème aurait été soulevé. Or, non seulement il se pose, mais ceux à qui on va faire appel sont mis devant le fait accompli par l'annonce abrupte de Mme la ministre chargée de l'enseignement scolaire, alors que leur responsabilité va être engagée. Qu'adviendra-t-il en cas d'accidents ?
En supposant la mise en conformité de la procédure de prescription, comment un effectif notoirement insuffisant de médecins scolaires et d'infirmières pourra-t-il répondre sur-le-champ à des situations de détresse ? Certains médecins sont chargés de quelque 9 000 élèves et, dans certains établissements, il n'y a pas d'infirmière.
Parmi les jeunes de moins de dix-huit ans, on note quelque 10 000 grossesses, dont près de 7 000 aboutissent à un avortement. La plupart du temps, ces situations sont le résultat de violences impliquant, dans des proportions non négligeables, un membre de l'entourage proche. Ainsi, qu'il puisse y avoir, dans un univers habituel, un interlocuteur connu autre qu'un membre du milieu familial serait certainement un recours dans des moments de grand désespoir.
Mais il faut être conscient qu'une fois faite l'annonce de la mise en place de ce dispositif, celui-ci devra fonctionner sans faille, car toute lacune sera pire que son absence. En effet, sont concernées des adolescentes meurtries, qui cherchent une bouée de sauvetage face à une situation qu'elles ne maîtrisent plus et dont les conséquences sont vécues comme un traumatisme.
En conséquence, et c'est ma seconde question, ne conviendrait-il pas de reprendre la procédure à son début, afin d'engager le dialogue avec toutes les parties concernées, de mettre en conformité les dispositions nécessaires et d'assurer une mise en place satisfaisante de l'accueil ? (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale :

Monsieur le sénateur, vous souhaitez des précisions sur le NorLevo, la pilule du lendemain, produit d'autant plus efficace qu'il est délivré rapidement après un rapport non protégé afin d'empêcher le développement d'une grossesse.
Ce produit a été présenté à la commission à la fin de l'année 1998 et il a obtenu une autorisation de mise sur le marché à la suite de l'avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé au début de l'année 1999. A l'époque, ce produit bénéficiait d'une autorisation de mise sur le marché avec prescription médicale. Or, comme il est avéré que ce produit est d'autant plus efficace qu'il est pris le plus rapidement possible après un rapport non protégé - 100 % d'efficacité dans les douze premières heures et 55 % dans les soixante-dix heures - il nous a paru important de permettre la délivrance de ce produit sans autorisation médicale. C'est donc en conformité avec la directive européenne transposée dans le droit français par un arrêté paru au Journal officiel en mai, ou juin 1999 qu'une nouvelle autorisation de mise sur le marché a été délivrée le 2 juin dernier pour que le NorLevo soit en vente libre dans les pharmacies.
Dans le même temps, la volonté d'éviter des grossesses précoces non désirées chez les jeunes filles qui, ensuite, peuvent être contraintes à une interruption volontaire de grossesse, avec toutes les conséquences graves sur leur santé, sur leur avenir, sur leur psychologie et d'un point de vue social, a conduit à réfléchir à la mise à disposition de ce produit. C'est ainsi que Mme Ségolène Royal a été amenée à proposer cette mise à disposition par les infirmières aux jeunes filles, ce qui répond au souci de prendre le problème à sa source. Cela permettra aux infirmières de dialoguer avec la jeune fille, son environnement associatif et médico-social, et avec sa famille, afin de mettre en place un processus de dialogue et d'information pour développer la responsabilité dans le domaine de la sexualité et de la contraception.
C'est dans cette optique que cette décision a été prise, dans le respect total du droit national et du droit européen, et en parfaite cohérence avec la volonté de Mme Aubry de relancer, au mois de janvier prochain, une campagne d'information sur la contraception. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen)


B/ Question de Charles Descours. Sénat, 1999.12.16.

M. Charles Descours :

Mes chers collègues, ma question portera également sur la pilule du lendemain.
Madame la ministre, ma question ira dans le même sens que celle de M. Joly.
Que Mmes Gillot et Royal veuillent bien excuser ma remarque, mais nous ne pouvons que constater que, depuis trois semaines, une polémique extraordinaire fait rage dans la presse entre leurs deux ministères. (Mme le secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale fait un signe de dénégation)
Ne dites pas non, madame Gillot, j'ai lu vos communiqués... ou alors vous ne contrôlez pas votre
administration, puisque vous déclarez que l'autorisation de mise en vente libre sur le marché est légale, normale, mais qu'il faudra « toiletter » la loi Neuwirth - dont l'auteur est devant moi - pour que ce soit tout à fait légal, et que vous faites allusion à l'emploi du temps du Parlement.
Madame la ministre, puisque vous êtes accompagnée aujourd'hui de Mmes Gillot et Royal, je voudrais que vous nous disiez si oui ou non la loi Neuwirth s'applique s'agissant de la vente libre de la pilule du lendemain.

M. Michel Dreyfus-Schmidt :

Elle n'existait pas en 1968 !

M. Charles Descours :

Je sais, monsieur Dreyfus-Schmidt, que vous êtes quelqu'un de tout à fait éminent !
La loi Neuwirth s'applique-t-elle, ou faudra-t-il la revoir ? Nous assistons à une cacophonie gouvernementale sur ce point. (Non ! sur les travées socialistes)
Votre position de « numéro deux » du Gouvernement vous permet, madame la ministre, d'arbitrer entre les autres membres de celui-ci. Nous vous écouterons donc avec beaucoup d'attention.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité :

Monsieur le sénateur, il ne revient pas au Gouvernement d'arbitrer entre des articles de presse.

M. Raymond Courrière :

Très bien !

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité :

Je tiens à vous rassurer : l'ensemble des décisions qui ont été prises par Mme Royal l'ont été en parfaite concertation avec Mme Gillot et moi-même.
Je peux vous dire que cela fait un an que, avec l'aide d'un comité de pilotage comprenant des
professeurs de médecine, des chercheurs de l'INSERM - l'Institut national de la santé et de la recherche médicale - et des représentants de l'ensemble des associations familiales, nous préparons cette campagne pour la contraception qui sera menée, pour une part importante, dans les collèges et dans les lycées.
Je voudrais redire ici, après Mme Gillot, que le NorLevo - l'expression « pilule du lendemain » n'est d'ailleurs peut-être pas la bonne - permet d'éviter la nidation. Ce n'est donc pas un contraceptif classique tel que le prévoyait la loi Neuwirth, que je me permets d'ailleurs de saluer, car cette loi est une grande conquête pour les femmes. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RPR)

M. Charles Descours :

Je l'ai votée !

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité :

Je ne vous attaque pas, monsieur Descours ! Si, pour une fois, vous avez voté une loi innovante, je ne peux que vous en féliciter. (Rires sur les travées socialistes. - Protestations sur les travées du RPR)


C/ Question de M. Jean-François Mattéï. Assemblée nationale, 1999.12.01

M. Jean-François Mattei :

Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Le temps est venu de réviser ensemble les lois sur la bioéthique, de 1994, comme le prévoient d'ailleurs certaines de leurs dispositions. Le processus a été bien engagé par l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques, par le comité éthique, par l'Académie de médecine et, tout récemment, par le Conseil d'Etat.
Leurs avis nous seront extrêmement précieux. Néanmoins, la révision de ces lois doit tenir compte de deux éléments importants.
D'une part, l'appréciation en est parfois difficile car certains décrets d'application sont parus très tardivement, et d'autres n'ont jamais paru.
D'autre part, la France doit prochainement ratifier la convention du Conseil de l'Europe sur les droits de l'homme et la biomédecine. Or, cette dernière sera bientôt complétée par divers protocoles additionnels, dont l'un sur l'embryon et la recherche embryonnaire. Il serait donc difficile de débattre d'un sujet sur lequel nous aurions éventuellement à revenir dans le cadre de la ratification. Harmonisation et coordination s'imposent.
En fait, les lois de 1994 comportent des dispositions de portée extrêmement différente. S'il semble que certaines questions puissent être réglées sans grande difficulté au cours des prochains mois, d'autres, telle l'éventualité du recours à la vie humaine débutante comme objet de recherche, voire comme matière première à finalité thérapeutique, nécessitent que l'on prenne du recul, du temps, et que l'on travaille dans la sérénité. Chacun comprend la gravité de
l'enjeu.
Sans entrer dans l'argumentation de fond, je souhaiterais que le Gouvernement nous informe de la méthode de travail qu'il envisage et du calendrier qu'il établira. En effet notre assemblée ne saurait, comme cela a été récemment le cas pour plusieurs problèmes de société, être placée devant l'urgence et saisie de projets d'une portée telle qu'il faille laisser le temps indispensable à la délibération des consciences.
(Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance)

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale :

Monsieur le député, les lois bioéthiques ont été effectivement votées en 1994. Je ne vous apprends rien puisque vous en étiez l'éminent rapporteur.
Le législateur avait prévu, dans la loi, sa révision, en précisant qu'elle devait être engagée dans un délai maximum de cinq ans. C'est pourquoi le Gouvernement a, depuis plus d'un an déjà, commandé des travaux préparatoires dont vous avez d'ailleurs fait état.
Aujourd'hui, toutes les réflexions préliminaires sont disponibles, y compris le rapport commandé par le Gouvernement au Conseil d'Etat - lui a été remis il y a quarante-huit heures. Reste maintenant à préparer le débat parlementaire et à le programmer dans un calendrier que vous savez particulièrement chargé.
Il me semble que nous ne sommes guère en retard sur les délais annoncés puisque le processus de réflexion a déjà été engagé. Vous y participez ainsi qu'un certain nombre de parlementaires et de chercheurs à travers différents colloques ou communications.
La révision prévue par le législateur se révèle, d'ores et déjà, à l'examen de ces travaux préliminaires, nécessaire.
En effet, il s'agit d'un domaine dans lequel les progrès de la science sont particulièrement rapides et où il est indispensable de revoir régulièrement la question du bon équilibre entre la protection des droits fondamentaux de la personne, auxquels nous sommes tous très attachés, et la non-entrave aux progrès de la recherche et de la science.
Il s'agit également d'un domaine où l'interdépendance des pays est grande, à l'échelle européenne, comme à l'échelle mondiale. Il est donc indispensable de tenir compte de l'évolution des législations étrangères sur la question.
Enfin, depuis cinq ans, le départ a pu être fait entre les dispositions de la loi qui se révèlent appropriées et celles qui nécessitent quelques amendements ou compléments, au-delà même des raisons que je viens d'évoquer, du fait de l'évolution des mentalités ou des connaissances.
Les enjeux précis de cette révision concernent trois chapitres : premièrement, l'assistance médicale à la procréation, la question centrale étant de savoir ce que l'on souhaite autoriser en matière de recherche sur l'embryon ; deuxièmement, le don et l'utilisation des produits du corps humain - il s'agit notamment de savoir si l'on peut et comment élargir les possibilités de greffes d'organes à partir d'un donneur vivant pour aider au développement de la transplantation - et, enfin, la médecine prédictive, qui est probablement le secteur qui a le plus évolué depuis 1994 et qui soulève le plus de questions nouvelles, par exemple celle de savoir si l'on souhaite encadrer le marché des tests génétiques ou s'il ne faut pas imposer aux assureurs de respecter la non-discrimination en raison des caractéristiques génétiques.
Même éclairée par les travaux récents qui nous ont été remis, la réponse à ces questions, vous en conviendrez, est difficile. Il convient d'engager le débat mais il convient aussi de ne pas le précipiter. Je sais que vous partagez ce sentiment.
Chacun doit prendre le temps de répondre comme il faut à la complexité de ces sujets qui, au-delà des questions techniques qu'ils soulèvent, sont, comme vous l'avez rappelé, monsieur le député, d'importants sujets de société. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert)


D/ Question de Conchita Lacuey. Assemblée Nationale, 1999.11.30.

Mme Conchita Lacuey :

Madame la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire, vous avez récemment annoncé, au salon de l'éducation, la possibilité que la pilule du lendemain soit délivrée dans les collèges et les lycées par les infirmières scolaires à de jeunes adolescentes en difficulté.
Nous savons qu'en France, chaque année, il y a près de 10 000 grossesses non désirées chez les adolescentes, dont 6 700 donnent lieu à une IVG. En Gironde, le chiffre est supérieur à la moyenne nationale. La persistance de ce phénomène traduit l'échec de l'information et une maîtrise très imparfaite, voire l'ignorance des moyens de prévention chez les jeunes.
Depuis le 1 er juin, la pilule du lendemain est en vente libre et délivrée sans ordonnance dans les pharmacies. Elle est sans effets secondaires graves et efficace à 95 % si on la prend dans les 24 heures qui suivent le rapport sexuel. Mais, nous devons le reconnaître, l'information reste incomplète.
Votre proposition, madame la ministre, prend en compte ce constat. Cependant, des réserves ont été formulées par les parents d'élèves. En effet, certains parents s'inquiètent de voir l'éducation nationale se substituer à leur responsabilité et craignent une banalisation des rapports sexuels sans protection.
Pour rassurer les parents et mieux prévenir les grossesses non désirées, quelles précisions pouvez-vous apporter sur cette délicate question ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert)

Mme Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire :

Madame la députée, je sais que cette décision, dont j'ai précisé les conditions la semaine dernière lors d'une réunion sur les problèmes de santé des adolescents à laquelle participaient trois cents infirmières scolaires, peut susciter des interrogations, voire des résistances et des oppositions.
J'insiste sur le fait qu'elle a été mûrement réfléchie : d'abord, elle répond à une urgence ; ensuite, elle est accompagnée d'un certain nombre de conditions ; enfin, elle s'inscrit dans une démarche globale d'éducation à la santé et à la sexualité.
Elle répond d'abord à une urgence. Comme vous l'avez rappelé, il y a 10 000 grossesses non désirées chaque année, chez les jeunes filles de moins de dix-huit ans, qui donnent lieu à 6 500 avortements, ceux-ci révélant d'ailleurs souvent des violences sexuelles. Il m'apparaît humainement nécessaire de mettre à la disposition de ces adol escentes en détresse les progrès scientifiques et médicaux, ...

M. Lucien Degauchy :

Et l'éducation que donnent les parents ?

Mme la ministre déléguée chargée de l'enseignement scolaire :

... surtout lorsque ces moyens contraceptifs d'urgence sont en vente libre dans les pharmacies.
(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)
Mais cette mesure s'accompagne d'un certain nombre de conditions. En effet, elle est décidée dans le cadre du système scolaire, et nous avons une responsabilité éducative à cet égard. Le protocole national que je mets en place prévoira donc explicitement qu'il s'agit de répondre aux cas d'extrême urgence ou de détresse ; les parents seront informés, sauf si l'adolescente s'y oppose ; enfin, l'adolescente sera mise en contact avec un centre de planning familial ou un service hospitalier spécialisé, afin d'être accompagnée, soit parce qu'il y a eu violence, soit parce qu'il y a eu une mauvaise information sur la contraception.
Cette décision s'inscrit également dans une action globale d'éducation à la sexualité. J'ai décidé de relayer dans les lycées et les classes de troisième des collèges la campagne que Martine Aubry lancera au mois de janvier, et sur laquelle nous avons travaillé ensemble. J'estime en effet que le système scolaire peut apporter beaucoup aux a dolescents en ce qui concerne la prévention des conduites à risques, pour rappeler un certain nombre de valeurs comme l'estime de soi, le respect des autres, le refus des rapports sexuels contraints ou imposés, aux filles comme aux garçons, pour rappeler aussi que la sexualité précoce n'est pas forcément un progrès, bref, pour faire aussi de l'information sexuelle une éducation au respect mutuel.
En tout état de cause, je fais confiance aux infirmières scolaires pour faire face à cette mission de dialogue, d'information des adolescentes, en particulier des plus démunies, des plus isolées, des plus abandonnées, afin que, pour elles aussi, la naissance d'un enfant soit toujours un bonheur désiré. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert)


E/ Question de Muguette Jacquaint. Assemblée Nationale, 1999.11.16.

Mme Muguette Jacquaint :

Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité.
Les dernières décennies de ce siècle ont été notamment marquées par l'accès à la contraception et le libre choix en matière d'IVG. Ce sont là des acquis fondamentaux des femmes et de la société tout entière. L'action des femmes et des mouvements féministes ont permis la traduction d'actes politiques forts permettant aux femmes de gagner en liberté et en dignité. Mais aujourd'hui, ces acquis ont besoin d'être confortés et actualisés.
Des rapports, dont celui du professeur Nisand, comme le travail et les déclarations de nombreuses associations ont contribué à faire prendre toute la mesure de la situation. Je pense à l'indispensable sensibilisation des jeunes générations à la contraception, au remboursement par la sécurité sociale des pilules contraceptives dites de la troisième génération et à la nécessité de rester vigilants devant les tentatives de remise en cause de l'IVG. Dans ce domaine, rien n'est jamais acquis.
Chaque femme doit pouvoir avoir recours à l'IVG et faire respecter ses droits. Or il existe encore des inégalités devant l'accès à ce droit.
Par ailleurs, de nombreuses femmes, des associations, des élus se déclarent préoccupés par le nombre de grossesses non désirées chez les adolescentes.
Face à cette situation, vous avez annoncé, en juillet dernier, un plan d'action comportant notamment le lancement d'une campagne d'information sur la contraception. Madame la ministre, pouvez-vous donner des i nformations précises sur cette campagne ? Quelles mesures envisagez-vous de prendre pour remédier aux difficultés d'accès à la contraception, notamment par le remboursement de la pilule dite de la troisième génération, et l e recours à l'interruption volontaire de grossesse ?
(Applaudissements sur les bancs du groupe communiste et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert)

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité :

Madame la députée, comme vous l'avez très bien dit, garantir le droit à la contraception et l'accès à l'avortement fait partie des tâches des pouvoirs publics. Et nous savons bien que les droits des femmes ne sont jamais acquis.
Dès mon arrivée au ministère, j'ai souhaité que nous lancions une campagne d'ampleur sur la contraception, puisqu'il n'y en avait pas eu depuis 1982. Mais j'ai voulu auparavant que nous avancions sur un certain nombre de problèmes non résolus.
S'agissant tout d'abord de la pilule du lendemain, qui n'existait pas dans notre pays, nous avons, avec l'aide des associations, appuyé des laboratoires qui ont été particulièrement pugnaces contre les grands laboratoires pour parvenir à sortir le Tétragynon et le NorLevo. Ces pilules du lendemain sont aujourd'hui en vente libre.
S'agissant des pilules de la troisième génération, j'ai demandé au professeur Spirat de réévaluer son rapport pour vérifier si le prix - 100 francs en moyenne contre dix francs pour les pilules normales - proposé par les laboratoires reposait sur des progrès en matière de contraception ou sur une réduction des effets indésirables. Il a répondu non à ces deux questions. Nous avons donc demandé aux laboratoires de réduire les prix pour nous permettre de rembourser ces pilules. Jusqu'à présent, ils ont refusé. Mais je peux vous indiquer qu'une de ces pilules pourra faire l'objet d'un générique en l'an 2000 et que nous avons trouvé un industriel prêt à la fabriquer.
J'en viens au RU 486. Quand nous sommes arrivés au gouvernement, en 1997, cette pilule abortive, qui permet d'éviter l'intervention médicale, était en rupture d'approvisionnement. Nous avons apporté notre appui au propriétaire du brevet. Aujourd'hui, la France non seulement produit le RU 486 mais en exporte dans les différents pays. Et je viens de demander aux hôpitaux de laisser aux femmes, lorsque les indications médicamenteuses le permettent, la possibilité de choisir entre le RU 486 et l'intervention chirurgicale, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent.
S'agissant de la campagne sur la contraception, le comité de pilotage fonctionne maintenant depuis quatorze mois. Nous avons eu un peu de mal à trouver la meilleure manière de nous adresser à l'ensemble des publics. Par exemple, nous savons qu'il y un recul de la contraception chez les jeunes, du fait d'une certaine confusion entre préservatif et contraception. Nous devons aussi toucher des femmes de milieux modestes, éloignées du monde médical.
Nous avons enfin trouvé ce que nous cherchions. Le comité de pilotage a donné son accord la semaine dernière et l'ensemble des organisations a demandé que cette campagne ait lieu au mois de janvier, au moment où nous allons fêter les vingt-cinq ans de la loi sur l'IVG de Mme Veil.
D'ici là, nous allons réunir avec Mme Ségolène Royal et M. Allègre les infirmières et les médecins scolaires, avec Mme Buffet les associations de jeunesse et des sports, avec Nicole Péry l'ensemble des associations et missions locales, qui dépendent de nos ministères, afin de lancer une campagne d'information vers les jeunes.
J'en viens à l'IVG. Vous le savez, j'ai demandé sur ce point un rapport au professeur Nisand. Nous nous donnons encore quelques mois pour en exploiter les conclusions. Ainsi que nous l'avons annoncé avec Nicole Péry, voilà maintenant quatre mois, nous souhaitons faire passer de dix à douze semaines le délai légal pour l'IVG délai en vigueur dans la plupart des pays européens. Dès cette semaine, je vais rencontrer un grand nombre de médecins afin de préparer l'opinion publique à une telle décision.
Nous réfléchissons, par ailleurs, avec un comité d'associations, à la façon dont les jeunes filles, qui n'arrivent pas à avoir l'autorisation parentale, pourraient être soutenues par un adulte, un tuteur, par exemple une association de planning familial, pour recourir tout de même à l'IVG.
Nous nous sommes donné un an au plus pour aboutir.
Sur ce sujet aussi, les décisions seront prises avant l'été et nous aurons ainsi conforté les droits des femmes qui sont, en effet, toujours remis en cause. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert)

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