France : le gouvernement favorable à la recherche sur l'embryon
Répondant le 07/04/1999 à une question du député Yvette BENAYOUN-NAKACHE sur la révision des lois bioéthiques, le secrétaire d'Etat à la santé Bernard Kouchner a laissé entendre que son gouvernement était favorable à la levée de l'interdiction d'expérimenter sur l'embryon humain et envisage également positivement le clonage dit "thérapeutique" :
« Mme Yvette Benayoun-Nakache.
Monsieur le Premier ministre, le moment est venu de réviser la loi du 29 juillet 1994 relative à la bioéthique.
Vous avez annoncé la semaine dernière, à Lyon, au cours du forum mondial des sciences de la vie - la manifestation Biovision -, les grands principes qui guident votre politique en la matière : soutien au développement des biotechnologies et maîtrise des risques qu'elles suscitent, prévention des risques de discrimination en ce qui concerne l'emploi des tests génétiques.
Par ailleurs, une mission interministérielle de dialogue avec l'ensemble des acteurs concernés par le développement des biotechnologies végétales va être mise sur pied.
Pourriez-vous, monsieur le Premier ministre, nous donner des précisions sur les objectifs qui vont guider le Gouvernement dans le travail de révision de la loi, notamment en ce qui concerne le statut de l'embryon et le clonage ? J'aimerais également connaître les mesures que vous envisagez d'ores et déjà de prendre afin de garantir dans ce domaine les principes humains fondamentaux auxquels nous sommes attachés et qui, en aucun cas, ne doivent être sacrifiés sur l'autel de la loi du marché. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale.
Madame la députée, vous avez fait allusion à la manifestation Biovision qui a réuni, pendant trois jours, à Lyon (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - Sourires), les meilleurs spécialistes des sciences de la vie. Je tiens d'ailleurs à féliciter la municipalité de Lyon, et les organisateurs de cette manifestation, car c'était la première fois qu'un tel aréopage scientifique était réuni sur notre territoire.
Vous avez évoqué la révision des lois relatives à la bioéthique. Nous nous sommes aperçus, lors de cette réunion de Lyon, combien les attentes étaient grandes, combien les sciences de la vie étaient développées mais aussi combien les craintes étaient nombreuses.
Dans leur sagesse, les membres du Parlement avaient demandé la révision des lois sur la biothique tous les cinq a ns. Nous y sommes. Le travail interministériel a commencé. La rédaction d'un premier projet sera confiée au Conseil d'Etat, avant que ce texte ne soit examiné ici.
Notre pays s'est doté, en 1984, d'un comité consultatif d'éthique pour les sciences de la vie. Puis, en 1988, en1992 et en 1994, ont été adoptées les lois sur la bioéthique, lesquelles ont servi de modèles. En particulier, notre pays a proposé au monde, à la conférence d'Oviedo, une rédaction qui semblait satisfaire tout le monde.
Cela dit, dans les deux domaines que vous avez cités, le clonage et la recherche sur l'embryon, les choses et les esprits ont beaucoup évolué en cinq ans.
En ce qui concerne le clonage, qui fait déjà l'objet d'une consultation interministérielle, un sondage révèle que les trois quarts de nos concitoyens y sont opposés quand il s'agit de reproduction à l'identique, mais, en revanche, que près de la moitié d'entre eux y sont favorables lorsqu'il s'effectue dans le cadre d'une démarche médicale destinée à lutter contre les maladies rares.
Un débat sur le clonage devra forcément avoir lieu, d'autant que la position des Anglo-Saxons, en particulier des Américains, est extrêmement différente de la nôtre.
Comme nous l'avons d'ailleurs dit dans une déclaration à l'UNESCO, nous sommes hostiles au clonage reproductif et au clonage humain.
S'agissant de la recherche sur l'embryon, les choses ont également évolué. Des encadrements seront nécessaires.
En tout cas, nous ne pouvons pas nous contenter d'opposer un refus, notamment lorsque l'encadrement est assuré par une équipe médicale ou lorsque les projets médicaux proposés sont précis. Quoi qu'il en soit, la discussion sera intéressante. Nous devrons reconsidérer le dispositif proposé, il y a cinq ans, car il est sans doute un peu trop limitatif et un peu trop figé. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur divers bancs du groupe Radical, Citoyen et Vert.) ».